les légendes de Gabriel Gravier

🧢 Maître sans billet – 9 ans dans la peau d’un dresseur

Un parcours hors norme à travers le monde de Pokémon GO, je vous raconte.

📖 Chapitre 1 : La première Pokéball (2016)

En 2016, j’étais fier de ne pas avoir de portable. Un téléphone fixe, ça suffisait. J’étais dans les 5 % des irréductibles, même au travail on m’en avait proposé un — j’avais refusé. Le progrès ? Très peu pour moi.

Puis un jour, mon fils m’a parlé d’un jeu étrange : Pokémon GO. Par curiosité — et grâce au Wi-Fi de la maison — j’ai capturé mon tout premier Pokémon, dans le jardin, puis sur le trottoir devant chez moi. Le virus était pris.

À cette époque, le jeu était très limité. Niantic disait que Pokémon GO était développé à 20 %. On croisait surtout des Roucool, Piafabec et Rattata. Les PokéStops étaient rares, quelques-uns à faire tourner chaque jour pour une récompense hebdomadaire. Et les vieilles arènes… j’en faisais le tour à pied, parfois quatre ou cinq à conquérir dans toute la ville.

À midi, de retour chez moi — sans PokéStop ni arène dans le coin — le jeu s’arrêtait. Mais je savais déjà : j’y retournerai demain.

🚗 Chapitre 2 : L’appel de la route

Rapidement, le jeu a créé deux clans à Belfort : l’équipe du matin — ma team — et l’équipe du célèbre JM, le joueur redouté. Tous les matins, je prenais la voiture à 7 h, direction le centre-ville. Là, on se retrouvait derrière le Lion de Belfort, notre quartier général. J’y ai tourné des heures autour de la statue, comme en pèlerinage.

L’énergie était incroyable. On était là, chacun avec ses objectifs, tous unis dans cette chasse étrange à travers la ville. Et même si on se connaissait à peine, on formait une tribu invisible, liée par les PokéBalls et les écrans.

🛡️ Chapitre 3 : Une montée sans triche

Très vite, j’ai décidé : pas un centime dépensé. Pas d'achats en jeu. Seulement mon organisation, ma patience… et quatre téléphones pour gérer quatre comptes en parallèle.

Avec rigueur et régularité, j’ai conduit chaque compte jusqu’au niveau 50. Sans booster, sans billet, sans tricher. Certains disaient que c’était une folie. Moi, j’y voyais un défi personnel : aller au sommet à ma manière.

J’enregistrais chaque passage de niveau en vidéos YouTube. Des archives simples, mais qui racontaient mon ascension honnête et silencieuse, loin des projecteurs. Une mémoire, un serment, un plaisir.

🏆 Chapitre 4 : Chaque niveau, une victoire

Atteindre le niveau 40, c’était le Saint Graal. Je l’avais dit à JM :
« Le jour où je suis 40, je serai comme toi. »

Lui y était déjà. Et moi, j’avançais, comme un coureur de fond. Mais quand ce jour est arrivé… rien. Pas d’euphorie. Même pas envie de le dire à JM. Une étrange déception. Et pourtant, je n’ai pas arrêté.

J’avais d’autres comptes. Alors j’ai recommencé. Et chaque passage de niveau devenait une victoire nouvelle, presque plus forte que la précédente.

Il y a eu tant de moments gravés :

Puis, soudain… le COVID. Le silence. Mais Niantic a su s’adapter. Le jeu à distance, les PokéStops reconfigurés… et moi, j’ai continué. Dans mon village, à ma façon.

🌧️ Chapitre 5 : La solitude tranquille

Le 1er août 2022, j’ai atteint le niveau 50 avec 176 millions d’XP. Un cap. Puis le 5 novembre 2022, à 71 ans, L’Est Républicain publie un article sur moi. Une photo, et beaucoup de regards dans la rue.

« Ah, je vous ai vu dans le journal ! »

Mon fils m’avait dit un jour :

« Ne mets pas d’argent là-dedans, c’est sans fin. Et sans Pokémon, tu serais devenu un légume. »

Il avait sans doute raison. Pokémon est devenu ma routine. Quand ma femme va « au Chiffon », moi je chasse. Elle est tranquille, et moi je ne l’attends pas.

« J’ai un métier », je plaisante souvent. Et dans ce métier, je suis le chef. Mais parfois… un chef exigeant. Pourquoi sortir sous la pluie ? Pourquoi encore ce Pokémon ? Pourquoi ne pas tout arrêter ?

Parce que ce chef-là… me garde vivant.

🔁 Chapitre 6 : Pourquoi je joue encore

Je ne joue plus pour être vu. Ni pour les niveaux. Ni pour collectionner. Je joue parce que c’est devenu mon histoire.

Un moment à moi. Un repère. Un geste quotidien. Une récompense minime, mais suffisante pour m’animer. Le jeu m’a donné un rythme, une mission, une curiosité. Il m’a gardé actif, curieux, debout.

Et cette phrase de mon fils me reste en tête :

« Sans Pokémon, tu serais devenu un légume. »

Alors je continue. Pas par addiction. Par fidélité.

🌅 Chapitre 7 : Et demain ?

Demain ? Qui sait.

Il y aura peut-être un jour un niveau 60, ou de nouvelles quêtes, de nouveaux continents à explorer. Ou peut-être que le jeu s’arrêtera doucement. Et ce sera bien aussi.

Mais moi, j’aurai vécu mon aventure. J’aurai marché dans mes rues autrement. J’aurai fait de mon quotidien une carte secrète. Et mon téléphone, une fenêtre vers un monde étrange mais familier.

Je ne suis plus dans les arènes. Je ne cours plus après les records. Mais je suis encore là. Parce que ce jeu, ce monde, cet univers… j’y ai mis un morceau de moi. Un morceau d’un homme qui ne voulait pas s’arrêter de marcher.

Mais parfois, une aventure ne s’arrête pas vraiment. Elle change de forme, elle se transforme. Elle devient plus intime, plus tranquille. Et pourtant, elle continue. Car tant qu’il reste un pas à faire, une quête à poursuivre, un niveau à atteindre… le chemin reste ouvert.

🌠 Chapitre 8 : Objectif niveau 80 – L’ultime marche

Le niveau 50, je l’ai atteint il y a trois ans. Depuis, j’ai continué. Lentement, sans bruit. Pas pour battre les autres, mais pour battre le temps. Aujourd’hui, je regarde devant moi : le niveau 80. Une ligne lointaine, presque irréelle. Mais elle existe. Et moi, je marche encore.

Je ne suis pas pressé. Je ne suis pas stressé. Je suis en route. Et cette route, c’est la mienne.

Un jour, peut-être, je serai niveau 80.
Et ce jour-là, je n’aurai pas besoin de fanfare.
Juste d’un sourire.
Celui d’un homme qui aura été fidèle à son aventure.

Parce que Pokémon GO, ce n’est plus un jeu.
C’est devenu un compagnon.
Un rythme. Une trace. Une mémoire.

Et si un jour on me demande pourquoi j’ai continué,
je répondrai simplement :

« Parce que c’était mon aventure. Et que je l’ai vécue jusqu’au bout. »

association esperanto nord Franche-Comté













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